Deux objectifs, en partie contradictoires, m'ont guidé dans la rédaction de ce document. Le premier est d'ordre statutaire : pour soutenir une Habilitation à Diriger des Recherches, il faut rédiger une synthèse de ses travaux antérieurs, souvent déjà publiés en anglais dans des revues à comité de lecture. Le second objectif que je me suis fixé est de profiter de cet exercice imposé pour essayer d'écrire un texte qui puisse servir plus ou moins directement de support de travail pour des collègues, voir de support pédagogique sur différents sujets auxquels je me suis intéressé au cours des dix dernières années. Faute d'avoir pu y consacrer suffisamment de temps, ces objectifs ne sont certainement que partiellement atteints. Les rapporteurs et examinateurs ne manqueront pas de trouver le document trop long. Les collègues ou étudiants voulant se renseigner sur un des sujets abordés le trouveront incomplet ou elliptique ; déséquilibré entre des parties trop techniques et d'autres trop vagues. J'espère que l'exercice restera malgré tout utile. Parmi les efforts pour accroître la lisibilité, j'ai essayé de réduire au maximum le nombre des acronymes utilisés et de répertorier en fin de document ceux qui sont utilisés.
Le texte est composé de quatre parties plus ou moins indépendantes, avec à chaque fois une introduction assez complète et des conclusions et perspectives. L'introduction et la conclusion du document sont donc plutôt là pour brosser le cadre général du travail pour l'une et tracer des perspectives générales pour l'autre. Le fil conducteur de ces différentes parties est le transport atmosphérique et la modélisation de ce transport dans les modèles globaux de climat.
Les couplages entre composition et transport atmosphérique occupent une place grandissante dans l'étude des atmosphères planétaires.
Ces couplages sont tout d'abord au centre d'une partie des questions
relatives au changement climatique.
En effet,
une part des incertitudes
relatives au réchauffement global du climat terrestre provient
des incertitudes sur l'évolution de la
composition même de l'atmosphère (CO, méthane, ozone troposphérique,
aérosols).
Or l'évolution de cette composition est étroitement liée au
transport atmosphérique et au climat.
Pour le CO
, l'augmentation des concentrations atmosphériques
sous l'effet des émissions anthropiques conduit à une augmentation
du stockage dans les océans et les écosystèmes.
Le puits biosphérique est lui-même sensible à l'évolution
du climat. Les estimations actuelles prévoient une réduction du
puits biosphérique consécutive au changement climatique qui
pourrait correspondre
à une rétroaction positive de 15
sur la teneur en CO
de l'atmosphère
(, ).
La modification de l'ozone troposphérique est également étroitement
couplée à l'évolution de la température et de l'humidité.
Les changements des vents en surface peuvent également modifier le soulèvement
des poussières désertiques
ou les émissions de DMS (précurseurs des aérosols soufrés)
par les océans (, ).
Au-delà des modifications de la composition, la sensibilité du climat à un changement de concentration imposé est également souvent conditionnée par des processus de transport. La fameuse rétroaction vapeur d'eau (l'atmosphère plus chaude se charge en vapeur d'eau, ce qui augmente en retour l'effet de serre) peut par exemple être fortement modulée par les processus de transport. Si on suppose par exemple que le réchauffement résulte également en une augmentation de l'altitude de la pénétration de la convection (convection nuageuse ou grands systèmes de Hadley-Walker), l'air subsident autour de ces zones convectives sera au contraire plus sec. Même si les processus de transport sont plus complexes (cf. par exemple , ), il n'en reste pas moins que l'accroissement d'humidité lors d'un réchauffement climatique peut être modulé par les changements d'advection. Les effets indirects des aérosols (une augmentation du nombre de noyaux de condensation résultant en des nuages formés de plus petites gouttes, donc plus brillants et moins précipitants) sont également une source importante d'incertitude sur l'amplitude du changement climatique, étroitement liée au transport et à la microphysique.
Concernant les couplages entre composition et dynamique atmosphérique sur les
autres planètes, on mentionnera d'abord le cas des poussières sur Mars.
En dehors des bandes d'absorption du CO, constituant majoritaire
de la fine atmosphère martienne, la poussière est le principal constituant
actif radiativement. Cette poussière est en permanence soulevée du sol du
grand désert martien
par des rafales de vent, des tornades ou de petites tempêtes locales.
Régulièrement, des tempêtes
plus importantes se déclenchent, soulevant la poussière sur des milliers
de kilomètres. A certaines périodes de l'année, ces tempêtes peuvent
finalement dégénérer en évènements globaux spectaculaires, au cours desquels
la surface de Mars est entièrement voilée pour l'
il
d'un observateur extérieur. La circulation est alors profondément modifiée
(, ).
Notons enfin les
couplages entre la photochimie, la microphysique des brumes et la
circulation stratosphérique sur Titan qui ont largement retenu notre attention
au cours des années passées et qui font l'objet d'un chapitre du présent
document.
La modélisation numérique globale est devenue un outil de base pour aborder ces systèmes complexes. Les modèles de circulation générale atmosphérique, développés au début des années 70 pour les besoins de la prévision météorologique, se sont petit à petit enrichis tant sur le plan physique (représentation des nuages, modèles thermodynamiques du sol, paramétrisation de la convection) que par la prise en compte du couplage avec les autres composantes du système climatique. On pense en particulier pour la Terre au couplage avec l'océan, la végétation, la chimie ou les aérosols. Ces développements ont abouti dans les années récentes au concept de ``modèles intégrés du climat" (les soi-disant ``Earth system models") utilisés notamment pour essayer de prévoir les évolutions futures du climat. Un modèle de ce type est actuellement développé et utilisé à l'IPSL. Il comprend, couplé au modèle de circulation générale atmosphérique LMDZ, le modèle de circulation générale océanique ORCALIM, le modèle des surfaces continentales ORCHIDEE et le module aérosols-chimie INCA. Ce modèle est actuellement impliqué dans la réalisation de ``scénarios climatiques" pour le prochain rapport du GIEC.
Une des originalités de la recherche menée au LMD est d'étudier
de front et avec le même outil, LMDZ, le climat de la Terre et celui
d'autres planètes du système solaire, en particulier Mars
et Titan.
En parallèle du développement du modèle intégré terrestre, et souvent
même avant, les versions planétaires ont connu des évolutions similaires.
Sur Mars, ce sont les couplages avec le cycle du
carbone (un quart de l'atmosphère de CO se condense saisonnièrement
dans les calottes polaires), des poussières (on en a parlé plus haut)
et de l'eau (avec l'enjeu de déterminer les réservoirs d'eau sous la surface
et de comprendre les évolutions passées du climat de la planète rouge) qui
ont été inclus dans les modèles de circulation existants
(, ,,,).
Pour Titan, les couplages avec la photochimie et la brume
(, ,,) ou le méthane (, ) ont
également été inclus dans les modèles existants.
Pour la modélisation des couplages entre composition et climat,
une étape essentielle du travail de développement
consiste à introduire, dans le modèle de circulation générale atmosphérique,
les algorithmes permettant de représenter le transport des espèces traces.
Il faut traiter à la fois le transport par l'écoulement explicitement représenté
dans le modèle de circulation (c'est à dire pour des échelles supérieures
à quelques centaines ou dizaines de kilomètres) et le transport
par les écoulements non résolus, turbulents ou convectifs.
C'est en fait l'introduction, dans le modèle LMDZ,
de schémas permettant de représenter le transport à grande échelle
qui a donné le coup d'envoi à l'ensemble des études présentées ici.
Nous avons plus particulièrement mis en uvre dans le modèle LMDZ
des schémas en volumes finis développés
à l'origine par ().
Les versions terrestre et planétaires étant développées de front,
ce travail d'introduction du transport a été effectué de fait
à la fois pour la Terre, Mars et Titan.
Cette version avec transport des traceurs du modèle LMDZ est à l'origine d'un
grand nombre de développements et applications concernant ces trois planètes.
Ce travail préliminaire est décrit dans le Chapitre 2.
Je me suis ensuite plus particulièrement intéressé
au transport vertical par les structures
méso-échelles de la couche limite convective.
Ces structures (rouleaux, cellules thermiques), bien connues des amateurs
de vol libre (deltaplanes, planeurs, parapentes), ne sont
en général pas considérées de façon spécifique dans les modèles de circulation
globaux, qui privilégient, à un bout, une vision en diffusion
du transport turbulent dans la couche limite et, à l'autre bout,
des schémas de convection profonde,
contrôlés pour une bonne part par les changements de phase de l'eau.
Les modèles doivent du coup inclure des traitements adhoc (``contre-gradients",
``ajustement convectif") pour pallier l'absence de paramétrisation
des structures convectives de couche limite ; ces structures
convectives qui, sur des régions désertiques
ou sur une planète-désert comme Mars, peuvent dominer le transport
vertical jusqu'à plusieurs kilomètres au-dessus de la surface.
Cette nouvelle paramétrisation, le ``modèle du thermique", basée sur
une formulation dite ``en flux de masse", est décrite en détail
dans le Chapitre . Y sont également présentées différentes
validations par rapport à des simulations numériques des grands
tourbillons ou à des observations.
En marge des questions relevant directement
des couplages entre composition et climat, les outils développés
pour le transport des espèces traces peuvent être utilisés pour étudier
la dispersion de polluants atmosphériques
à écoulement atmosphérique connu.
On présente dans les chapitres 2 et
de tels calculs de dispersion, réalisés ici à des fins de validation
des algorithmes de transport.
Dans ces simulations numériques, on force le modèle de circulation
atmosphérique à suivre au plus près
la situation synoptique afin de comparer,
au jour le jour, les concentrations observées de certains constituants avec
des données de terrain.
La technique employée est baptisée
``nudging" en Anglais ce qu'on traduira ici par ``guidage".
Cette technique consiste à relaxer en permanence les champs
météorologiques du modèle vers des données d'``analyses" ou ``réanalyses"
produites par les grands centres de prévisions météorologiques.
Dans ce cas, le modèle de circulation joue le rôle d'une espèce
d'interpolateur physique sur le maillage choisi et permet de recalculer
un jeu cohérent de
grandeurs physiques nécessaires à la représentation du transport
grande échelle et sous-maille.
Les grandeurs nécessaires pour les algorithmes de transport des traceurs
peuvent être soit passées directement aux algorithmes concernés, soit
stockées dans des fichiers puis relues pour le seul calcul du transport
des espèces traces. On parlera de modes ``branché" et ``débranché".
Il s'avère que le modèle guidé et débranché, développé à l'origine pour des besoins de validation dans le cadre des études couplées chimie-climat, est un modèle global de dispersion atmosphérique parfaitement adapté à certaines questions relatives à la surveillance de l'environnement. Un travail spécifique a été entrepris dans ce domaine suite à une demande du CEA relative à la surveillance des essais nucléaires à partir de la mesure de la concentration en éléments radioactifs. Il s'agit d'un cas classique de problème inverse dans lequel on veut obtenir des contraintes sur les sources à partir de mesures de concentration. Avec Robert Sadourny, nous nous sommes convaincus, à l'époque de la demande, qu'il était légitime, pour répondre à cette question, d'inverser la direction du temps dans le modèle de transport Eulérien (débranché). En émettant un traceur au niveau des détecteurs, le modèle calcule alors la distribution d'origine de l'air échantillonné à la station.
L'utilisation du transport inverse et de ``modèles de détecteurs" pour
aborder ce type de question n'est pas nouvelle.
Mais le fait qu'on puisse utiliser directement les codes Eulériens
à rebours dans le temps (ce que nous appellerons le
``rétro-transport Eulérien'') ne semblait pas vraiment acquis.
Ce travail sur la détection des essais nucléaires a donc été l'occasion
de clarifier la théorie sous-jacente.
Le rétro-transport Eulérien peut être présenté d'un point de vue physique
comme une formulation Eulérienne de l'approche des rétro-trajectoires
Lagrangiennes, largement utilisée dans la communauté des chimistes
de l'atmosphère pour interpréter des mesures de composition ponctuelles.
Le rétro-transport Eulérien peut également être présenté d'un point de vue
mathématique comme l'adjoint du transport direct
pour un produit scalaire particulier, pondéré par la masse de l'air
sous-tendant le transport.
Les visions à la base des rétro-trajectoires et de l'approche adjointe
sont cependant suffisamment différentes pour que les outils développés
le soient aussi, avec des conséquences importantes sur l'efficacité
des algorithmes d'inversion.
Le Chapitre présente de façon détaillée à la fois
les aspects théoriques, des illustrations numériques et des exemples
d'application pour la surveillance des essais nucléaires.
Les outils développés à cette occasion sont en cours d'intégration
dans une chaîne opérationnelle au CEA.
La dernière partie de ce document concerne Titan, le plus gros satellite de Saturne. Titan fait partie de ces objets fascinants du système solaire révélés par l'épopée Voyager. En 1981, les responsables des missions Voyager choisissent de privilégier pour la sonde Voyager 1 un survol de Titan plutôt que de poursuivre la course vers Uranus et Neptune (périple magistralement réussi ensuite par Voyager 2). On sait en effet à l'époque que Titan est, avec la Terre, le seul corps tellurique du système solaire entouré d'une atmosphère dense d'azote (1,5 bar à la surface). Les photos renvoyées vers la Terre sont très décevantes. Une épaisse couche de brume orangée voile entièrement la surface. Tout juste peut-on distinguer un léger contraste entre les deux hémisphères, signe probable d'un effet saisonnier. Les mesures spectroscopiques permettent en revanche d'identifier un grand nombre de composés chimiques, hydrocarbures et nitriles. Ces espèces chimiques, créées dans la très haute atmosphère à partir de la photo-dissociation de l'azote moléculaire et du méthane (second constituant atmosphérique) sont ensuite transportées vers le bas dans la stratosphère où on pense qu'elles polymérisent pour donner naissance à la brume orange. L'analyse des contrastes latitudinaux de température dans la stratosphère suggère également que l'atmosphère tourne beaucoup plus vite que le satellite, lui-même en phase bloquée autour de Saturne, avec une durée du jour de 16 jours terrestres environ. Si la direction de la rotation de l'atmosphère ne peut être obtenue à partir des observations de la température, l'analogie avec Vénus et des arguments théoriques suggèrent que l'atmosphère est en régime de ``superrotation", l'atmosphère vers 200 km tournant une dizaine de fois plus vite que la surface et dans la même direction.
Suite au passage des sondes Voyager, une mission est programmée vers le système de Titan, sous l'impulsion de Toby Owen et Daniel Gautier. La sonde américaine Cassini se consacrera au système de Saturne et emmènera à son bord la sonde européenne Huygens qui plongera dans l'atmosphère de Titan. Mission parfaitement remplie. Le 14 janvier 2005, après 7 années de voyage dans le système solaire, la sonde Huygens a dévoilé sous l'épaisse couche de brume des paysages familiers où chacun reconnaît qui sa Côte d'Azur, qui son lac de montagne ; en tout cas des images qui évoquent un rivage.
Au début des années 90s, sous l'impulsion de Daniel Gautier (LESIA) et Christopher P. McKay (NASA/Ames), différents travaux de modélisation sont entrepris pour interpréter les résultats des missions Voyager et préparer la mission Cassini-Huygens. Le modèle de circulation du LMD est adapté aux conditions de Titan (, ) et prédit effectivement une forte superrotation sur Titan, superrotation confirmée depuis par des mesures Doppler. En parallèle, des modèles unidimensionnels sont développés pour la photochimie (, ) et la microphysique des brumes (, ,). Il apparaît cependant rapidement que les différentes composantes de ce système sont fortement couplées. Les brumes sont formées par la polymérisation des constituants chimiques et peuvent servir également de noyaux de condensation à ces dernières au niveau de la troposphère glaciale de Titan (70 K environ). Brumes et espèces chimiques sont évidemment transportées par les vents. En retour, les contrastes latitudinaux de la composition jouent les premiers rôles dans le forçage de la circulation. Vers 1995, nous décidons, avec Michel Cabane et Dominique Toublanc, de réunir les différents efforts de modélisation pour s'attaquer à ce système climatique complet.
En 1998, lors du colloque quadriénal du Programme National de Planétologie,
le programme est déjà clair
(, ) :
``L'arrivée sur Titan de la mission Cassini-Huygens est sans doute une des dernières occasions
avant des décennies d'explorer un système physique analogue à la Terre mais encore très mal connu.
Pour l'atmosphère et le climat
en particulier, c'est une occasion unique avant longtemps de mettre à l'épreuve pour
une planète tellurique les théories
et modèles développés dans le contexte terrestre.
Cette perspective ainsi que la préparation de la mission (étude en amont et préparation de
l'analyse des résultats) ont motivé le développement d'un modèle de circulation générale de
l'atmosphère de Titan au Laboratoire de Météorologie Dynamique du CNRS, sous l'impulsion
de Daniel Gautier et en collaboration avec Christopher P. McKay (NASA/Ames) et Régis
Courtin (LESIA/Obs. Paris Meudon).
[...]
Pour Titan, le modèle prédit une stratosphère tournant environ 10 fois plus vite que la planète
solide avec des vents zonaux (d'ouest) de l'ordre de 100 m s.
En plus de ce phénomène dynamique spectaculaire, les résultats du modèle ont contribué à mettre
en évidence l'importance des couplages entre dynamique atmosphérique, microphysique des
aérosols, et photochimie. Ceci nous a conduit à bâtir et à proposer au PNP pour les années
à venir, un projet de modélisation du climat de Titan intégrant ces différentes
composantes. L'enjeu est d'importance et la tâche ardue quand on connaît les problèmes
rencontrés dans la modélisation de ces problèmes sur Terre. Mais la perspective de la
confrontation du modèle aux observations de la mission Cassini-Huygens en 2005
en font [un objectif] scientifique de tout premier plan.''
Après une mise en route souvent ardue, le modèle couplé a bien été développé. Il a permis de mettre en évidence le couplage très fort entre la brume et les vents (, ). Le modèle a également permis d'expliquer les contrastes latitudinaux observés dans la composition chimique (, ,). Sur la base de simulations numériques effectuées avec cet outil, une base de données a été constituée et mise à disposition de la communauté sur la toile avant l'arrivée de la mission (, ). Les données sont là. Les premières photos ont réservé leur lot de surprises. Que nous réservent les dépouillements en cours des enregistrements des spectromètres et "imageurs spectraux" ou des mesures in-situ de la composition par Huygens ?
C'est cette histoire qui clôt ce document (Chapitre ) avant quelques
conclusions générales.
Le présent chapitre est consacré à la représentation du transport atmosphérique d'espèces traces dans les modèles de circulation atmosphérique de grande échelle ainsi qu'à la présentation d'un outil particulier : la version ``traceurs" du modèle de circulation générale LMDZ.
Le LMD développe et exploite depuis le début des années 70
un modèle de circulation générale atmosphérique.
Comme beaucoup d'autres, ce modèle s'est petit à petit enrichi pour devenir
un véritable
modèle climatique, avec par exemple la prise en compte des couverts végétaux
pour prédire le comportement thermodynamique des surfaces continentales ou
le couplage avec l'océan.
Le transport d'espèces traces est pour sa part introduit une première
fois par Sylvie () dans une version précédente du modèle de climat
du LMD pour étudier le cycle des poussières désertiques.
Christophe Genthon introduit ensuite le Radon (Rn) et le
plomb (
Pb) dans le modèle en utilisant, pour représenter l'advection,
le schéma des Pentes du NASA/GISS (, ,).
Au milieu des années 80, Robert Sadourny et Phu LeVan entreprennent la réécriture du noyau hydrodynamique du modèle, afin de le rendre plus modulaire, lisible et efficace (l'ancien modèle avait été écrit sur cartes perforées par Phu LeVan pour des machines ne pouvant pas contenir un champ entier en mémoire) et de généraliser l'idée de grille étirable qui avait été une première fois testée pour étudier un cyclone en baie du Benghal. C'est cette possibilité de raffinement de la grille qui donnera plus tard le "Z" (pour zoom) de LMDZ. Du fait de l'inertie inhérente à la modélisation du climat terrestre (on regarde des choses très précises avec un modèle robuste dont on connaît bien le fonctionnement et dont on a ``réglé" la climatologie), ce nouveau noyau dynamique est dans un premier temps utilisé sur Mars (, ,) et Titan (, ,). Pour ces deux planètes, un des prolongements possibles des études développées au LMD consistait à s'intéresser au cycle d'espèces transportées : les poussières sur Mars, avec les spectaculaires tempêtes globales qui peuvent voiler la surface de la planète pendant plusieurs dizaines de jours, et les brumes et espèces chimiques sur Titan, dont on montre dans le dernier chapitre de ce document qu'elles sont fortement couplées à la circulation atmosphérique.
Les traceurs sont introduits dans LMDZ en 1996, en utilisant, pour l'advection
de grande échelle, des schémas en volumes finis2.1.
Les schémas en volumes finis sont basés sur une partition du domaine considéré
en volumes de contrôle, aux frontières desquels on évalue les flux entrants
ou sortants de traceurs.
Ce sont des schémas basés sur une formulation intégrale de l'équation
de transport.
Nous avons plus précisément codé et testé une série de schémas en
volumes finis proposés à l'origine par ().
Ces schémas conduisent facilement à une mise en uvre tridimensionnelle et
satisfont des propriétés physiques fondamentales du transport: localité,
conservation, monotonie, positivité (plus généralement pas de création
d'extrema numériques) et invariance par addition d'une constante au champ de
traceur.
() avait en fait proposé une hiérarchie de schémas dont les plus
sophistiqués ont été introduits ultérieurement et indépendamment dans la
communauté météorologique par () (schéma des pentes du NASA/GISS) et
().
Avec Alexandre Armengaud alors en thèse au LGGE sous la direction de Christophe
Genthon, nous avons testé dans LMDZ plusieurs de ces schémas (, ).
Nous avons pu montrer que leurs performances étaient
en fait assez semblables dès lors qu'on les comparait non pas à résolution
spatiale fixée mais à coût numérique équivalent (un schéma plus précis mais
plus coûteux se comporte comme un schéma moins précis mais utilisé sur une
grille plus fine). Nous avons retenu pour le modèle du LMD le schéma le plus
simple (le schéma I dans l'article original de Van Leer souvent appelé MUSCL
ou MINMOD).
Ce travail a donné naissance à la version traceurs du modèle, baptisée un moment LMDZT. En parallèle des schémas d'advection, il a fallu inclure, dans le modèle, le transport associé aux paramétrisations des mouvements non résolus, turbulents ou convectifs. Cette composante est souvent essentielle pour contrôler le transport vertical des espèces. Pour ces schémas, on suit généralement ce qui est fait pour transporter l'humidité ou la température potentielle dans les paramétrisations d'origine. L'introduction des traceurs dans les paramétrisations de la turbulence de couche limite et de la convection nuageuse a été initialement réalisée par Olivier Boucher et Alexandre Armengaud. Cette composante traceurs fait depuis partie intégrante du modèle LMDZ qui permet de transporter un nombre arbitraire de traceurs. De nombreuses applications ont été développées à partir de cette version, à la fois pour la Terre, Mars ou Titan, en lui adjoignant des modules de chimie ou de microphysique des aérosols.
LMDZT a été conçu de façon très modulaire de façon à pouvoir y rajouter facilement des codes de chimie ou des modules d'aérosols. Il est utilisable soit en mode ``branché'' (on-line en anglais), soit en mode débranché, en relisant des fichiers météorologiques issus d'une simulation numérique précédente. Les simulations météorologiques elles-mêmes peuvent être effectuées soit en mode climatique, en laissant le modèle évoluer librement à partir d'une condition initiale unique, soit en le ``guidant'' par des analyses météorologiques. Marie-Angèle Filiberti et Abderrahmane Idelkadi ont largement contribué à fiabiliser et valider l'ensemble des outils développés et présentés ici.
Ce chapitre relativement technique revient à la fois sur la présentation des schémas de transport et sur la description de LMDZT. Nous présentons à la fin quelques exemples de validations ou utilisations du modèle.
Avant d'introduire la composante traceurs, on présente rapidement le modèle LMDZ et notamment la discrétisation des équations de grande échelle sur laquelle s'appuie le transport des traceurs. On en profite pour donner un bref aperçu du contenu des paramétrisations physiques du modèle et des évolutions apportées récemment. 2.2
LMDZ correspond à la seconde génération d'un modèle de climat développé depuis une trentaine d'années au LMD et décrit initialement par (). Ce modèle est plus modulaire et flexible2.3que son prédécesseur. Le ``Z" de son nom se réfère à la capacité de raffinement de la grille (Zoom) obtenue grâce à une écriture généralisée de la formulation numérique avec un maillage dont les facteurs d'élongation dans les deux directions horizontales peuvent être choisis arbitrairement.
Comme la plupart des modèles de climat, le modèle LMDZ intègre sur la sphère
et dans le temps les ``équations primitives de la météorologie".
Ces équations sont une version des équations de Navier Stokes simplifiées
en supposant que l'atmosphère est à tout moment en équilibre hydrostatique
sur la verticale et en négligeant les variations verticales de la géométrie
horizontale (hypothèse de couche mince).
Le moment cinétique par rapport à l'axe des pôles est
par exemple calculé en utilisant comme distance à l'axe
- où
est le rayon de la planète
et
la latitude - plutôt que
, qui tiendrait compte de
l'altitude
d'une particule d'air au dessus de la surface.
Le modèle du LMD est bâti sur une discrétisation en différences finies de ces équations avec certaines propriétés intéressantes du schéma numérique comme la conservation de la masse, la conservation du moment cinétique par la composante axi-symétrique de l'écoulement et de la vorticité barotrope. On revient sur ces aspects en toute fin de chapitre.
Ces équations ne peuvent pas être intégrées jusqu'à l'échelle visqueuse. En pratique, dans les modèles globaux, on utilise des mailles de quelques dizaines à quelques centaines de kilomètres suivant les applications. L'impact des échelles sous-mailles sur la grande échelle doit donc être représenté au travers de paramétrisations. Il faut également représenter des processus fondamentaux comme le transfert de rayonnement visible et infrarouge dans l'atmosphère, les processus nuageux ou les interactions avec la surface. Dans le jargon des modélisateurs, ces paramétrisations sont regroupées dans la ``physique" du modèle, par opposition avec le code représentant la ``dynamique" de grande échelle. Dans le cas de l'utilisation du modèle de circulation pour d'autres planètes, c'est cette partie physique qui doit être largement modifiée, et notamment le calcul du transfert radiatif.
Dans le modèle LMDZ, les équations primitives sont discrétisées
horizontalement sur une grille-C dans la classification d'Arakawa
(cf. e. g. , ).
On note et
les coordonnées horizontales :
(resp.
) est une fonction biunivoque de la longitude
(resp. de la latitude
).
Les variables scalaires
(la température potentielle
, le géopotentiel
et la pression de surface
) sont évaluées aux points
correspondant à des couples de valeurs entières
.
Le vent zonal est calculé aux points
et le vent
méridien aux points
.
La disposition des variables sur la grille est illustrée sur la
Fig. 2.1.
De façon à pouvoir modifier la distribution des longitudes et latitudes
de la grille, on utilise en fait les composantes covariantes
(
et
) et contravariantes (
et
)
du vent définies par
![]() |
(2.1) |
Comme beaucoup de modèles globaux, le modèle du LMD avait initialement
été codé avec une coordonnée verticale de type . La coordonnée
(où
est la pression et
la pression à la surface
au point considéré) est pratique parce qu'elle varie de 1 à la surface à 0
au sommet de l'atmosphère quelque soit le relief
sous-jacent. Cette coordonnée devient cependant problématique plus haut dans
l'atmosphère où on préfère travailler sur des isobares ou, mieux, sur
des isentropes.
Suivant là aussi beaucoup de modèles de climat, nous avons avec Phu LeVan
récrit le modèle en coordonnée hybride
.
La coordonnée hybride est définie de façon implicite
comme donnant la pression dans la couche
du modèle sous la forme
Les niveaux de pression définis par la relation 2.2
correspondent aux interfaces entre les couches du modèle avec
et
,
étant le nombre de couches dans le modèle.
La masse d'air contenue dans une maille du modèle comprise entre les
niveaux
et
est donnée par
![]() |
(2.3) |
![]() |
(2.4) |
On introduit alors les trois composantes du flux de masse :
![]() |
(2.5) |
On ne présente pas ici la discrétisation des équations du mouvements
qui n'a pas changé par rapport à la version du modèle
et dont ont discute en toute fin de chapitre.
En revanche, l'introduction de la coordonnée hybride à entraîné la
modification du schéma de calcul de la fonction d'Exner
.2.5L'équilibre hydrostatique est intégré verticalement suivant le schéma :
La première utilisation de ce nouveau code hydrodynamique est martienne. Le modèle du LMD est le premier à simuler un cycle saisonnier entier sur la planète rouge (, ). Pendant ce temps le modèle climatique terrestre du LMD poursuit une vie trépidante. La version 4ter, qui donnait des résultats excellents sur la Mousson Indienne (présentez une simulation du modèle à un chercheur authentique du LMD, il commencera par regarder la ``précip'' de juillet sur l'Inde), est progressivement remplacée par les versions 5 et 6. Ces versions sont notamment couplées à SECHIBA pour la végétation et à ORCALIM pour l'océan.
C'est lors d'un séminaire interne du LMD, tenu en la royale abbaye de Fontevraud en 1990, qu'est prise collectivement la décision de faire de ce nouveau code dynamique l'ossature du futur modèle de climat du LMD. Ce choix est motivé par la volonté de disposer d'un outil souple et modulaire, permettant facilement l'échange et le test de modules et de procédures. Cette décision s'inscrit dans l'idée de modélisation communautaire alors dans l'air du temps.
Il faut donc adjoindre au code dynamique un jeu de paramétrisations physiques. Dans un premier temps, la décision est prise de partir de la physique du Centre Européen pour les Prévisions Météorologiques à Moyen Terme. Ce modèle contient en effet le code radiatif Fouquart/Morcrette, développé à l'origine pour le modèle du LMD, et les schémas de nuages d'Hervé LeTreut. Cette décision ne sera finalement pas tenue. Si Laurent Li s'est bien battu pour effectuer les portages nécessaires, le groupe décidera quelques années plus tard de privilégier la continuité avec les versions précédentes.2.7C'est la combinaison de ce nouveau code dynamique et de la réécriture des paramétrisations physiques qui donnera naissance au modèle LMDZ d'aujourd'hui.
On décrit ci-dessous dans ses grandes lignes la version du modèle LMDZ3.3 qui a été utilisée pour les applications "traceurs" décrites dans ce document ainsi que les évolutions apportées au court de la mise au point du modèle couplé IPSLCM4 et qui définissent la version LMDZ4 (, ).
L'effet de la turbulence de petite échelle dans la couche limite
est pris en compte au moyen d'une fermeture en super-viscosité avec
un flux turbulent proportionnel au gradient vertical de la quantité
transportée. La viscosité turbulente dépend du cisaillement
vertical du vent et du nombre de Richardson, selon les formules
présentées par ().
Un "contre-gradient" est introduit sur la température potentielle pour
permettre un transport de chaleur "en remontant le gradient" dans les
couches limites marginalement stables.
On revient très largement sur ces aspects relatifs à la couche limite
dans le Chapitre .
Le code radiatif est celui du modèle du Centre Européen pour les Prévisions Météorologiques à Moyen Terme (, ). La partie concernant l'absorption et la diffusion du rayonnement solaire est une version raffinée du modèle de (). La partie infrarouge thermique a été développée par (). La condensation est paramétrée de façon différente pour la convection profonde et pour les autres nuages. Pour la convection nuageuse, on utilise la paramétrisation développée par (). Cette paramétrisation est basée sur une représentation en flux de masse d'une colonne convective nuageuse idéalisée. La colonne atmosphérique est divisée en trois sous-colonnes : une ascendance concentrée, une subsidence rapide associée à la pluie et enfin l'environnement, généralement en subsidence lente. Pour la partie non convective des nuages, on diagnostique une fraction nuageuse et un contenu en eau des nuages en se donnant a priori une fonction de distribution sous-maille de l'eau (, ). Les nuages ainsi diagnostiqués sont utilisés à la fois pour le calcul radiatif et pour calculer un taux de chauffage et un taux de précipitation. La pluie calculée ainsi peut se réévaporer dans les couches inférieures du modèle. L'eau vapeur et l'eau condensée sont ensuite advectées indépendamment dans la partie dynamique2.8. Le transport de grande échelle de la vapeur d'eau et de l'eau liquide, traité à l'origine avec un schéma amont très diffusif sur l'horizontale et un schéma centré non positif sur la verticale, est maintenant calculé avec les schémas en volumes finis décrits un peu plus loin.
Dans les expériences présentées dans ce document, la température de surface
de la mer est imposée. La conduction thermique dans les sols
continentaux est quant à elle calculée au moyen d'un schéma multi-couches
d'un sol homogène
développé à l'origine pour la version martienne du modèle
(, ).
Si on note la conduction thermique du sol et
la capacité thermique
volumique, on peut montrer facilement que le flux conductif à la surface
peut s'écrire sous la forme
et la conduction dans le sol
.
est appelé inertie thermique et
est une pseudo profondeur
définie par
.
Suivant (), l'évaporation à la surface est calculée comme
où
est la tension de vent en surface,
est l'humidité spécifique de la première couche du modèle atmosphérique
et
est l'humidité spécifique à saturation pour la température de
surface
.
Le coefficient d'aridité
peut être soit imposé soit dépendre directement
d'un contenu en eau du sol, calculé au fil du temps en fonction du bilan
entre précipitation et évaporation,
.
Le modèle utilisé par défaut, dit modèle du saut d'eau (bucket en anglais),
fait l'hypothèse que
peut
croître jusqu'à une valeur de 150 mm d'eau. Entre 75 et 150 mm, le coefficient
d'aridité
est égal à 1 et l'évaporation est égale à l'évaporation
potentielle. Ce coefficient varie linéairement entre 0 et 1 pour des contenus
en eau du sol variant de 0 à 75 mm.
La partie physique du modèle est en fait en évolution constante. La description qui en est faite ci-dessus correspond à une vue instantanée de la version qui a servi à développer les aspects liés au transport des traceurs. Sauf mention explicite, c'est cette version de LMDZ3 qui est utilisée dans les simulations présentées dans ce document.
|
|
Depuis, notamment en vue du développement du modèle couplé IPSLCM4, la physique du modèle a évolué de façon significative. Les améliorations principales concernent :
On ne s'appesantit pas dans ce document sur la climatologie du modèle d'atmosphère. On montre cependant une comparaison de la version précédente LMDZ3 du modèle et du nouveau modèle LMDZ4 en ce qui concerne la précipitation (Fig. 2.2 et Fig. 2.3). Les différences principales entre les deux versions proviennent en fait du changement de schéma de convection. L'ancien modèle avait tendance à exagérer l'intensité des précipitations tropicales dans les zones de convergences, notamment à l'Est de Madagascar ainsi que sur l'océan Pacifique. Ce biais est nettement diminué dans le nouveau modèle. La diminution (amélioration) des précipitations sur les continents nord en été (Sibérie, Canada), est elle davantage due au schéma de surface. La détérioration la plus notable avec le nouveau modèle est sans doute la distribution des précipitations de mousson autour de l'Inde en juillet. Lorsqu'on interprète des résultats relatifs à la simulation des concentrations atmosphériques d'aérosols ou d'espèces chimiques, il faut bien sûr garder à l'esprit ces différences quant à la capacité du modèle à simuler correctement le climat.
L'organisation du modèle LMDZ est très étroitement calquée sur cette distinction entre partie "dynamique" - la seule partie où soient pris en compte des échanges horizontaux entre des mailles du modèle - et la partie ``physique" qui peut être vue comme une juxtaposition de ``colonnes" d'atmosphère.
Cette spécificité de la partie physique est exploitée en ce sens que le codage de toutes les paramétrisations est fait avec un indice interne muet qui représente la grille horizontale. Cette organisation est illustrée sur la Fig. 2.4. Chacune des parties, physique et dynamique, a ses propres fichiers de conditions initiales et de sorties.
Cette écriture se prête à la fois à la vectorisation et à la parallélisation des codes. Cette approche permet également de disposer de façon transparente d'une version unidimensionnelle du modèle de circulation. Pour disposer d'un modèle unidimensionnel, il suffit d'écrire un programme dans lequel on initialise des profils météorologiques sur un point particulier du globe et dans lequel on appelle ensuite en boucle le moniteur physique.
Autre atout important, cette conception modulaire permet de gérer en parallèle des ``physiques" différentes interfacées avec le même code dynamique. Ce point est essentiel pour les études menées au LMD sur Mars et sur Titan. Enfin, on peut noter qu'il existe aussi une version bidimensionnelle, latitude-altitude, du noyau dynamique du modèle qui a été abondamment utilisée sur Titan comme on le voit à la fin de ce document.
Le modèle LMDZ est avant tout développé pour des études climatiques.
On effectue alors des intégrations longues, dans lesquelles l'état
initial est vite ``oublié" et les résultats ne s'interprètent qu'en termes
statistiques.
Cependant, notamment pour des aspects de validation, il peut s'avérer
utile de contraindre le modèle à suivre une situation météorologique
observée.
Dans ce mode ``guidé" (on parle souvent de ``nudging" en anglais), les
champs du modèle sont rappelés avec un terme linéaire vers les champs
des analyses ou des réanalyses
![]() |
(2.22) |
Une approche intermédiaire a été mise en uvre dans LMDZ
(, ).
Elle consiste à minimiser
une fonction mesurant la distance entre l'état du modèle et les analyses.
Cette approche, qui s'apparente encore davantage à l'assimilation
météorologique opérationnelle,
permet d'introduire, en plus des analyses, des observations
supplémentaires ou des contraintes comme des pénalités sur les modes
de gravité excités par la procédure d'assimilation.
Cette dernière méthode n'est pas utilisée ici.
Dans les modèles de chimie-climat comme dans les modèles débranchés transport-chimie, les processus comme la microphysique des aérosols ou les réactions chimiques d'une part et le transport de l'autre sont généralement traités alternativement et séquentiellement. On parle en anglais d'``operator splitting". La partie transport proprement dite peut alors être traitée de façon systématique, indépendamment de l'espèce trace considérée, en assimilant cette espèce à un traceur conservé2.9.
Dans cette partie, on
s'intéresse donc à la modélisation du
transport d'un traceur conservatif (une espèce trace suivant exactement
l'air) et passif (n'affectant pas en retour la météorologie).
L'équation du transport pour un traceur de ce type est simplement
![]() |
(2.23) |
![]() |
(2.24) |
Dans les applications atmosphériques classiques, l'équation du transport ne peut être résolue jusqu'à l'échelle de la diffusion moléculaire. Cette constatation s'applique d'ailleurs aussi bien à l'observation qu'à la modélisation. Dans les deux cas, on travaille explicitement jusqu'à une échelle donnée mais on traite la petite échelle de façon statistique. Dans le cas d'un modèle numérique, la grande échelle est définie en pratique par le maillage (ou par la troncature pour les modèles spectraux). L'effet des grandeurs sous-mailles sur les variables de grande échelle ne peut être représenté que de façon statistique, au travers de paramétrisations.
Pour séparer échelle explicite et échelle turbulente, on introduit
la notion de moyenne d'ensemble.
La turbulence est considérée comme un processus
aléatoire. Un élément du processus correspond à une réalisation complète
de l'écoulement atmosphérique.
La moyenne d'ensemble d'une grandeur , qu'on notera
,
est simplement l'espérance mathématique de cette variable.2.10
Pour introduire proprement le découpage pour un fluide compressible,
il faut introduire en plus une moyenne
pondérée par l'air
.
La fluctuation turbulente par rapport à cette moyenne
obéit à l'identité
.
Si on note le champ de vent et
la concentration massique d'un
traceur conservatif (
),
l'équation de transport non visqueux peut s'écrire soit
En prenant la moyenne d'ensemble de la forme conservative et en remarquant
que
![]() |
(2.28) |
Ci-dessous, on présente en détail les schémas introduits pour traiter du transport de grande échelle ainsi que les paramétrisations des termes turbulents calquées sur les paramétrisations d'origine du code LMDZ. Dans le chapitre suivant, on présente en détail un travail spécifique mené sur le transport turbulent dans la couche limite convective.
De nombreuses méthodes ont été développées au cours des dernières décennies pour représenter l'advection, c'est à dire les parties non turbulentes des Eqs 2.30 ou 2.29 formellement équivalentes aux Eqs 2.25 et 2.27.
On distingue notamment :
Les formulations en ``volumes finis" présentent l'avantage très important d'être conservatives par nature, dès lors que le même flux est utilisé pour les volumes en amont et en aval de l'interface considérée.
Pour le plus connu de ces schémas, introduit par (),
est simplement estimé comme le produit de
par la valeur de
dans le volume amont (dans la maille d'où l'air provient).
Ce schéma simple, souvent appelé schéma amont,
garantit
() a proposé d'utiliser, pour la valeur amont de , non pas
la valeur moyenne dans la maille amont mais une valeur extrapolée
à la frontière de celle-ci, en utilisant une approximation
polynomiale de la distribution sous-maille du traceur dans la maille
amont.
Deux des schémas proposés par Van Leer en 1977 ont été introduits
apparemment indépendamment dans la littérature météorologique par
() - le schéma III dans la classification de Van Leer -
et () - le schéma VI -.
Alors que dans son article original, Van Leer conclut que la complexité
du schéma VI est trop grande par rapport au gain en précision, ce schéma
est devenu une référence dans la communauté météorologique.
Les principes de dérivation de ces différents schémas sont exposés ci-dessous.
En dimension 1 et après intégration sur un pas de temps, les
Eq. 2.31 et 2.32 s'écrivent simplement
Si on connaît complètement la distribution spatio-temporelle du vent, de la
densité de l'air et de la concentration de traceur, on a
![]() |
(2.35) |
![]() |
(2.36) |
![]() |
(2.37) |
![]() |
(2.38) |
Dans la présentation faite ici, on considère que les transferts
de masse sont connus à chaque instant et sur tout le maillage.
L'évolution temporelle de la masse d'air
est donc également complètement déterminée.
La seule chose qui reste à estimer est le flux de traceur.
De façon générale, ce flux peut être écrit comme le produit
du transfert de masse
par la valeur moyenne de la concentration
du traceur
dans l'air qui traverse l'interface au cours du pas
de temps.
![]() |
La méthode proposée par Van Leer consiste à approximer la distribution
sous-maille par un polynôme pour lequel le calcul de
- et
donc du transfert de traceur - peut être fait exactement.
Le principe et les notations sont illustrées sur la Fig. 2.5
pour le cas d'un polynôme du premier degré.
Avec ces notations, les valeurs moyennes de
et
après un pas de temps
d'advection s'écrivent simplement
Pour des valeurs positives de et
,
l'Eq. 2.39 peut se récrire
Un des points essentiels de l'article original de () est
de remarquer qu'on peut garantir la monotonie du schéma d'advection
- en dimension 1, une distribution monotone reste monotone après advection -
en imposant que prenne une valeur intermédiaire entre les
deux valeurs voisines de
dans les régions où
est monotone.
Supposons pour fixer les idées que
et
.
La condition ci-dessus s'écrit simplement
Si on rajoute en plus la condition que
(distribution sous-maille constante)
quand
est un extremum, on interdit la croissance des extrema.
Ceci implique de fait la positivité du schéma et interdit la création
d'oscillations provenant du caractère dispersif du schéma numérique
(provenant de l'advection avec des vitesses différentes des
différentes composantes de fourier de la distribution, cf. e. g. , ).
Noter aussi qu'avec les définitions ci-dessus, une distribution uniforme
de traceur sera inchangée par l'advection, même avec des champs de vents
divergents (on s'en convainc en remplaçant
et
par une valeur constante dans l'Eq. 2.39).
Dans les dérivations ci-dessus, on a supposé implicitement que le pas
de temps était suffisamment petit pour éviter de transférer plus que la
maille d'une cellule en un pas de temps (nombre de Courant inférieur
à 1). Si le flux de masse est exactement égal à la masse d'air dans le
volume amont, on calculera la distribution de traceur exactement, quelque
soit l'approximation choisie pour la distribution sous-maille.
La première approximation consiste à supposer que le traceur est constant
dans chaque maille (polynôme de degré zéro).
est alors simplement la valeur de
dans la maille amont
(
si
et
sinon).
Ce schéma proposé à l'origine par () est bon marché, positif
et monotone mais au prix d'une diffusion numérique très forte.
La diffusivité du schéma peut d'ailleurs être quantifiée.
Dans le cas d'un champ de vent non divergent
(
cste à une dimension),
le schéma 2.39 s'écrit
![]() |
(2.44) |
![]() |
![]() |
![]() |
(2.45) |
![]() |
![]() |
(2.46) |
Pour passer à un ordre supérieur, on
suppose que la distribution sous-maille est linéaire avec une pente
donnant les valeurs aux bords gauche et droit de la maille
comme
(voir l'illustration de la Fig. 2.5).
Dans ce cas,
est donné par
![]() |
![]() |
![]() |
(2.47) |
![]() |
![]() |
(2.48) |
Différents schémas ont été proposés (, ,)
correspondant à différentes estimations de
, dont deux schémas
particulièrement intéressants, l'un pour son faible coût et l'autre pour
sa précision.
![]() ![]() |
Dans le schéma I de Van Leer, la pente est simplement estimée à chaque pas
de temps par différences finies
(
) comme l'illustre
le graphique a de la Fig. 2.6.
Ce schéma peut être considéré comme une version volumes-finis du schéma de
().
Dans le second schéma, la pente au pas de temps dans une maille
donnée est calculée à partir de la distribution en ligne brisée résultant de
l'advection au temps
(illustration sur le graphique b de la Fig. 2.6).
La nouvelle distribution sous-maille
minimise la distance quadratique par rapport à cette distribution.
Ce second schéma (le schéma III dans l'article original de Van Leer)
a en fait été redécouvert quelques années plus tard par
()2.13
dans un contexte météorologique tridimensionnel.
Ce schéma a été popularisé dans le modèle de circulation générale
du NASA/GISS. On l'appelle souvent
schéma des pentes (``slopes scheme" en anglais). On retiendra ce nom dans ce
qui suit.
On présente, sur le graphique c de la Fig. 2.6, un exemple typique de calcul d'advection unidimensionnel avec le schéma de Godunov, Van Leer I et le schéma des pentes. Le schéma des pentes est bien sûr le plus précis mais la différence principale se situe entre le schéma de Godunov, extrêmement diffusif, et les deux autres. On voit également apparaître pour les deux schémas d'ordre 2 des oscillations provenant de la non monotonie du schéma et la création de valeurs négatives.
L'un des intérêts principaux du travail de () réside dans la possibilité qu'il offre d'assurer facilement la monotonie des schémas. Une première façon consiste à appliquer directement la contrainte explicitée à la fin de la Section 2.3.3.
Pour les schémas du second ordre,
() propose aussi une condition suffisante à la fois plus
brutale et plus simple. Il suffit, pour que le schéma soit monotone, d'imposer
que la distribution dans une maille soit entièrement comprise entre
les valeurs moyennes des deux mailles adjacentes et que la pente soit
du même signe que dans ces deux mailles (à noter que ce dernier critère
est automatiquement satisfait par le schéma I).
Cette condition suffisante peut s'exprimer facilement comme un
limiteur de pente.
Pour le schéma I, la formulation complète du calcul de la pente avec limiteur
s'écrit simplement
![]() |
L'effet de l'application d'un limiteur fort (décrit ici) ou d'un limiteur faible (application directe des Eq. 2.42 et Eq. 2.43), qui correspondent respectivement aux Eq. (66) et (74) données par () est illustré sur la Fig. 2.7a. Un test numérique de l'impact de ces limiteurs est montré sur les Fig. 2.7c et d. Le limiteur fort dégrade de façon significative la précision du schéma des pentes tandis que le limiteur faible corrige ce schéma de façon sélective au niveau des oscillations, sans émousser par exemple le sommet de la gaussienne. Pour le schéma I, la différence entre les deux limiteurs est nettement plus marginale.
Il existe une alternative élégante à l'Eq. 2.49 qui consiste à
utiliser la moyenne géométrique des deux pentes voisines
La description de la distribution sous-maille du traceur peut être encore améliorée en utilisant un polynôme du second ordre. L'équivalent du schéma I de Van Leer (le schéma IV dans l'article original) consiste à évaluer les coefficients de ce polynôme par différences finies à partir des valeurs moyennes dans les mailles. Van Leer a attaché peu d'importance à ce schéma qui présente par exemple comme défaut de n'être pas plus précis que le schéma I pour un nombre de Courant de 0.5. Cependant, pour des valeurs plus petites, il peut devenir nettement plus précis. Comme le schéma I, ce schéma présente l'intérêt de n'utiliser qu'un traceur par point de grille. () ont développé une alternative au schéma IV en utilisant un filtre non-linéaire assez élaboré permettant de renforcer les pentes en cas de choc (se reporter également à , ,). La méthode qui en résulte a été baptisée Piecewise Parabolic Method. Elle a été utilisée pour les applications atmosphériques par exemple par (), () ou (). Dans ce manuscrit on ne présente pas les résultats avec PPM. Mais des tests ont été réalisés récemment avec ce schéma qui se comporte de façon assez similaire au schéma des pentes pour un coût numérique intermédiaire entre les schémas I et III (pentes) en termes de temps de calcul. Le coût en stockage est le même que pour le schéma I.
L'équivalent à l'ordre 3 du schéma III de Van Leer est le schéma VI
connu dans la littérature météorologique sous le nom de schéma
de ().
Le schéma de Prather est évidemment beaucoup plus précis que tous les
schémas présentés jusque là comme le montrent les illustrations de la
section suivante.
Cependant, il nécessite la conservation de 10 traceurs indépendants :
la moyenne, les 3 pentes dans les 3 directions d'espace ,
,
et les 6 moments du second ordre
,
,
,
,
et
.
Il est également nécessaire de lui adjoindre des algorithmes du type limiteurs
de pente pour éviter complètement les oscillations numériques ou les valeurs
négatives.
L'introduction des schémas en volumes finis est relativement facile dans le modèle de circulation générale LMDZ car les flux de masse sont déjà définis sur une grille décalée. Ces flux de masse sont ceux utilisés dans la partie météorologique pour intégrer l'équation de continuité pour l'air, à savoir l'Eq. 2.33 ou l'Eq. 2.88 donnée plus loin.
![]() ![]() |
Les présentations ci-dessus ont été faites avec une seule dimension d'espace. Une solution naturelle pour passer en 3 dimensions consiste à calculer d'abord les flux dans chaque dimension puis à calculer la divergence des flux.
Une alternative classique consiste à faire trois calculs d'advection, successivement dans les trois directions. On parlera de flux alternés ou de directions alternées.
Cette seconde méthode est curieusement plus précise dans le cas d'une advection
en diagonale par rapport au maillage.
Ceci est illustré sur la Fig. 2.8 pour une configuration bidimensionnelle.
Si on considère un pas de temps d'advection, le calcul direct ne tient
pas compte de l'air passant directement dans la maille située en
diagonale par rapport à la maille du milieu (le petit carré sombre
sur les figures). En revanche, cet air est compté deux fois, une fois dans
l'advection en et une fois dans l'advection en
.
Ceci produit une très forte diffusion latéral en réduisant la propagation
dans la direction du mouvement. En partant d'un panache gaussien, la
distribution obtenue s'étire dans la direction transverse à l'écoulement
(en haut à droite sur la figure).
Au contraire, pour l'advection en flux alternés, le carré sombre commence par passer dans la maille située à droite de la maille d'origine puis en haut et arrive bien finalement dans la maille située en diagonale par rapport à la maille d'origine. Si on pouvait à chaque instant connaître exactement la distribution sous-maille du traceur, on aurait donc un calcul exact.
Dans la méthode des flux alternés, on intègre successivement non seulement l'équation d'advection du traceur (Eq. 2.39) mais aussi l'advection de transport de l'air (Eq. 2.40)2.14. Avec cette approche, une distribution uniforme de traceur est inchangée par l'advection indépendamment du caractère divergent ou non du champ de vent (, , montrent que ce n'est pas garanti par toutes les formulations en flux alternés).
Cette approche en flux alternés est utilisée assez systématiquement dans les calculs d'advection en volumes finis (, ,,,).
On utilise ici la séquence proposée par () :
Direction | pas de temps |
X | ![]() |
Y | ![]() |
Z | ![]() |
Y | ![]() |
X | ![]() |
Si on veut ne travailler qu'avec des nombres de Courant
(
ou
) inférieurs à 1,
le raffinement de la discrétisation près des pôles, inhérent aux
grilles globales longitudes-latitudes, nécessite l'utilisation de pas de temps
extrêmement petits dans la direction longitudinale.
Une possibilité pour résoudre ce problème consiste à découper encore
davantage le pas de temps pour l'advection longitudinale.
Il existe une alternative utilisant le fait que le calcul est
exact pour un nombre de courant de 1. Dans ce cas en effet, le flux
est simplement le produit du flux de masse par la concentration
moyenne du traceur dans la maille amont.
Si le nombre de courant est plus grand que 1,
(pour fixer les idées, si on prend et
)
on peut calculer le transfert de traceur comme la somme de la quantité
de traceur dans la maille amont (
) et de la quantité
de traceur transférée depuis la maille
avec un flux
de masse
.
De façon générale, pour
![]() |
(2.52) |
![]() |
(2.53) |
Cette façon de voir les schémas en volumes finis présente de fortes analogies avec les approches semi-Lagrangiennes pour lesquelles ont prédit la valeur ponctuelle en un point du maillage en remontant en amont la trajectoire de la particule. Cette analogie a conduit () à introduire la notion de flux-form Semi-Lagrangian method. A noter qu'en parallèle, les adeptes des schémas semi-Lagrangiens classiques modifient leurs formulations pour garantir la conservation et les font ressembler de plus en plus à des schémas en volumes finis (e. g. , ).
On pourrait de façon générale et pour un pas de temps aussi grand qu'on veut,
estimer les contours du maillage transportés à rebours sur un
pas de temps. A partir d'une estimation polynomiale des distributions sous
mailles, comme celles proposées par Van Leer, on pourrait calculer
alors la distribution de traceur sur ce maillage déformé par le transport
à rebours.
Mais on paie vite en complexité du schéma et en coût informatique (introduction
de branchements supplémentaires et gestion de la mémoire,
particulièrement pénalisant
sur des ordinateurs vectoriels ou parallèles) ce qu'on gagne avec l'utilisation
d'un pas de temps plus long. De plus, on ne tient pas forcément à utiliser
des pas de temps plus longs que les constantes caractéristiques des
autres processus (transport turbulent dans la couche limite, chimie, etc...).
On restreint donc ici le traitement des nombres de Courant plus grands
que 1 à la direction longitudinale pour traiter spécifiquement le problème
de raffinement du maillage en longitude à l'approche des pôles.
Pour une résolution typique du modèle LMDZT, avec une grille
d'environ 100 000 points et un pas de temps de 15 minutes,
la condition n'est rencontrée typiquement que quelques dizaines
de fois par pas de temps ce qui rend le coût marginal raisonnable.
Dans le modèle du LMD, les pôles correspondent à des centres de mailles triangulaires. La dimension de ces mailles est 2 fois plus petite dans la direction méridienne que celle des mailles normales. Toutes ces mailles ne sont en fait pas indépendantes et on impose que les valeurs scalaires (pression de surface, température, concentration de traceurs) soient toutes identiques. L'évolution de la masse d'air ou de la quantité d'un traceur au pôle est estimée à partir de la convergence totale des flux méridiens. En fait, on peut considérer le pôle comme un volume de contrôle consistant en un polygone avec autant d'arêtes que le nombre de points longitudinaux de la grille.
Il semble impossible de garantir strictement la monotonie du schéma en conservant des pentes non nulles pour ces mailles polaires. On retient donc aux pôles un schéma de Godunov.
La Fig. 2.9 montre un exemple d'advection transpolaire d'une distribution sinusoïdale avec un écoulement en rotation solide le long du méridien de Greenwich. Les figures du bas montrent le résultat de l'advection après une révolution complète (la solution exacte, à gauche, est identique à la distribution initiale). La distribution obtenue avec le schéma I (cas a) est allongée dans la direction méridienne à cause de la diffusion numérique, dans la direction de l'écoulement. Pour la même résolution, le schéma de Prather est beaucoup moins diffusif. La forme des iso-lignes est cependant légèrement altérée par le passage au pôle. Pour ces calculs, on s'est arrangé pour que le nombre de Courant soit toujours inférieur à 1. Le dernier exemple sur la droite (cas b) correspond à un calcul avec le schéma I utilisant un pas de temps beaucoup plus grand, avec un nombre de Courant qui atteint 8 dans la direction longitudinale près du pôle. On remarque que les résultats sont plutôt meilleurs que ceux du cas a à cause du plus petit nombre de pas de temps nécessaire (160 au lieu de 16000).
![]() |
Dans cette section, nous présentons des tests bidimensionnels des schémas d'advection tels qu'ils sont codés dans le modèle LMDZT. On teste le schéma de Godunov, le schéma I de Van Leer, le schéma des pentes et le schéma de Prather. Pour le schéma I, on utilise le limiteur fort. Pour les schémas de pentes et de Prather, on assure seulement la positivité en utilisant un limiteur de flux (suivant , , on se contente d'imposer de ne pas sortir plus de traceur d'une maille que ce qu'elle contient). Les schémas de Pentes et de Prather que nous utilisons ont été optimisés et interfacés avec le modèle ancien du LMD par Pascal Simon et Christophe Genthon.
On insiste dans les tests présentés ci-dessous sur le rapport entre précision et coût numérique. On montre en effet que l'arbitrage entre une résolution plus fine, qui rend tous les schémas plus précis, et l'utilisation d'un schéma intrinsèquement plus précis, comme Prather, n'est pas évident et peut dépendre du type de machine utilisé ou d'autres considérations relatives à d'autres composantes du modèle.
De façon générale, on peut gagner en précision en utilisant une résolution spatiale plus fine, ce qui se fait évidemment au prix d'un coût numérique plus grand. Une question pratique importante en termes d'efficacité des schémas est de savoir ce qu'on gagne en changeant de schéma d'advection à coût numérique inchangé. Puisque notre but est l'advection tridimensionnelle dans un modèle de circulation générale, il faut d'abord se faire une idée du coût relatif des différents schémas dans une telle configuration.
La comparaison la plus facile est celle de l'occupation en mémoire. Les schémas de Godunov, Van Leer I et PPM ne nécessitent de conserver qu'une variable indépendante par maille et par champ de traceur.
Les schémas des pentes et de Prather sont nettement plus coûteux avec respectivement 4 et 10 variables d'état pour décrire un traceur physique.
La comparaison en termes de rapidité est moins évidente et peut dépendre du type de machine utilisé. Des test sur machines scalaires (stations SUN) et vectorielles montrent qu'il y a typiquement un facteur 2 entre le schéma I et les pentes et entre les pentes et Prather.
Les machines vectorielles favorisent de façon générale l'utilisation de schémas plus grossier sur des grilles plus fines. Pour les test présentés ci-dessous, effectués sur un CRAY-90, les pentes ont exactement le même coût numérique pour une grille horizontale de 60 par 43 points que le schéma I de Van Leer pour une grille de 120 par 85 points.
On voit que le fait de doubler la résolution horizontale dans chaque direction rend le schéma I équivalent à celui des pentes à la fois en termes de stockage et en termes de rapidité sur une machine vectorielle. De même, les pentes en résolution double sont comparables à Prather sur une grille deux fois plus grossière.
De façon générale, les machines scalaires sont plus favorables aux schémas plus précis.
Nous présentons ici des tests numériques bidimensionnels effectués avec un champ de vent analytique présentant une rotation différentielle et pour lequel l'advection peut être calculée exactement. Ce test est effectué sur la sphère en utilisant la discrétisation du modèle de circulation, pour permettre de valider directement les codes utilisés dans le modèle de circulation générale.
Pour un champ de vent horizontal non divergent dans le plan
longitude-latitude (,
), les composantes zonale (
) et
méridienne (
) du vent satisfont la relation suivante :
![]() |
(2.54) |
En suivant une trajectoire (valeur constante de ), la vitesse méridienne
peut être récrite en combinant les équations
2.55 et 2.57 :
![]() |
(2.58) |
![]() |
(2.59) |
![]() |
Sur le graphique en haut à gauche de la Fig. 2.10, on montre à la fois la distribution initiale du traceur, une gaussienne ne dépendant que de la longitude, et le champ de vent (dans une unité arbitraire). Toujours en haut, les figures à droite montrent l'évolution exacte du traceur sous l'effet de l'advection. La rotation est plus rapide au centre qu'aux bords du domaine, ce qui produit cette forme en spirale et une filamentation.
Pour les tests numériques on utilise trois résolutions :
(résolution pleine),
(résolution 1/2)
et
(résolution 1/3).
Le pas de temps
est choisi suffisamment petit pour que le nombre de Courant reste toujours
plus petit que 1 (le traitement spécial en longitude n'étant codé
que pour le schéma I de Van Leer).
L'état final montré sur les figures correspond à une révolution
complète au centre du maillage ce qui nécessite un nombre
de pas de temps de 4000, 6000 et 12000 pour les différentes résolutions
horizontales testées.
La reconstruction très fine des filaments (avec des valeurs maximum dépassant 0.9 pour une valeur initiale de 1) avec le schéma de Prather en pleine résolution est très impressionnante. Cependant, le schéma des pentes fait plutôt mieux à cette résolution que Prather dans une résolution deux fois plus grossière dans chaque direction horizontale. On observe la même chose entre le schéma I de Van Leer et le schéma des pentes.
Donc, si on change la résolution dans seulement deux directions, le schéma I se comporte plutôt mieux que les pentes en terme de rapport qualité/coût.
Si on change de résolution dans les trois directions, la comparaison doit être faite entre la pleine résolution et la résolution intermédiaire avec un avantage significatif pour les schémas précis.
Il est enfin intéressant de noter la différence flagrante de performances entre les schémas de Godunov et le schéma I en dépit d'un coût équivalent en termes de stockage.
Les schémas en volumes finis proposés par ()
conduisent facilement à des mises en uvre
tridimensionnelles qui satisfont des propriétés essentielles du
transport comme
En pratique, on constate que les schémas plus sophistiqués se comportent mieux, mais au pris d'un coût numérique additionnel du même ordre que celui qu'aurait entraîné l'utilisation d'une grille plus fine. A noter qu'il se peut que les schémas deviennent à partir d'un certain stade moins diffusifs que l'atmosphère elle-même. C'est particulièrement vrai pour la basse troposphère, dans laquelle la turbulence de couche limite induit une très forte diffusion verticale, qui, couplée à des cisaillements importants du vent horizontal, conduit aussi à une forte dispersion horizontale effective. Les tests présentés plus loin illustrent ce point.
Pour finir, il faut noter que nous avons présenté ici les schémas dérivés à l'origine par Van Leer. Le schéma PPM qui a également été testé dans LMDZ (résultats non présentés) semble supérieur à coût numérique égal (en tous cas en termes de stockage) à ces schémas d'origine.
L'ensemble des schémas décrits ci-dessus a été introduit dans le modèle LMDZ. Le schéma I de Van Leer a été retenu en standard pour sa robustesse et sa simplicité mais ce choix ne doit pas être considéré comme définitif et doit être reconsidéré en fonction du problème abordé.
Pour le terme turbulent
, on distingue en
fait trois contributions décrites ci-dessous.
Dans la version standard de LMDZ, la turbulence de couche limite est
traitée comme une super-viscosité ou viscosité turbulente.
Dans ces formulations, comme pour la viscosité moléculaire, le flux
d'une quantité transportée est proportionnel (avec un coefficient
négatif) au gradient local de la quantité en question.
Dans la couche limite planétaire, et si on s'intéresse à l'écoulement
à grande échelle, le terme vertical domine de loin ce flux qui s'écrit alors
![]() |
(2.60) |
De nombreux développements ont été consacrés ces dernières décennies
à la paramétrisation de la convection nuageuse (profonde ou peu profonde),
notamment dans le cadre de la modélisation du climat.
Les paramétrisations à la mode sont basées sur des approches
dites en flux de masse
(, ,,).
Elles ont en commun d'expliciter des ascendances concentrées, sensées
représenter le cur des nuages convectifs. Dans ces ascendances,
l'air monte rapidement sous l'effet de sa propre
flottabilité, renforcée dans le nuage par le dégagement de chaleur latente.
Certaines de ces paramétrisations considèrent un spectre complet de panaches ascendants. Dans les développements présentés ici, on utilise la paramétrisation de () qui sépare la colonne atmosphérique en trois sous-colonnes : une pour les ascendances, une pour les descentes précipitantes et un troisième compartiment pour l'environnement dans lequel se produit une subsidence compensatoire plus lente.
L'ascendance est caractérisée par un flux de masse
qui échange de l'air avec l'environnement.
Cet échange est prescrit au travers d'un entraînement
et
d'un détraînement
.
Pour les descentes précipitantes, ont définit de même un flux de masse
, un entraînement
et un détraînement
.
La colonne convective est supposée stationnaire de sorte que la conservation
de la masse d'air entre les différents compartiments s'écrit
![]() |
(2.61) |
![]() |
(2.62) |
Pour l'inclusion de la composante traceur, on fait les approximations
suivantes en suivant la philosophie du schéma d'origine :
on suppose que le traceur est dans un régime stationnaire à la fois dans
l'ascendance et dans les descentes précipitantes.
On suppose de plus que la fraction
de la maille couverte par ces deux compartiments est suffisamment faible
pour qu'on puisse confondre la concentration dans l'environnement
avec la concentration moyenne dans la maille (
ou
).
Sous ces hypothèses, la concentration dans l'ascendance
est donnée par
![]() |
(2.63) |
![]() |
(2.64) |
![]() |
(2.65) |
Afin d'assurer la stabilité numérique de ce schéma, les différents
termes de transport (de la forme ) sont traités avec un schéma
amont du premier ordre.
2.15La diffusion numérique n'est pas un problème
ici puisque le processus physique lui-même est très diffusif.
Les erreurs numériques associées sont certainement plus faibles que les
incertitudes sur l'intensité et la description des échanges d'air dans
la colonne convective.
Les termes turbulents associés à du mélange vertical sont souvent nettement plus important que les termes horizontaux. Par exemple dans la basse troposphère, la combinaison d'un cisaillement de vent et d'un mélange vertical turbulent produit une dispersion horizontale des espèces traces extrêmement efficace. Tant que les mailles horizontales sont assez grossières, il est probable de plus que la diffusion numérique soit supérieure à la diffusion latérale réelle de l'atmosphère. Enfin, il faut noter que la théorie physique qui permet d'estimer la diffusivité latérale effective est loin d'être établie.
Cependant, il est probable que, notamment pour une grille zoomée très fine,
il commence à être nécessaire d'inclure une paramétrisation de cette diffusion
latérale. Ici, cette diffusion est plutôt introduite pour des tests
de sensibilité et on retiendra une approche simple en longueur de mélange :
comme pour la super-viscosité verticale, le flux horizontal de traceur
est relié au gradient local de la quantité. L'effet de cette diffusion latérale
sur le transport des traceurs s'écrit alors sous la forme d'un laplacien
![]() |
(2.74) |
D'un point de vue informatique, l'introduction de la composante traceurs suit l'organisation du modèle LMDZ avec séparation entre dynamique et physique. Les schémas d'advection grande échelle sont interfacés avec le code dynamique. Les flux de masse aux bords des mailles sont en général cumulés dans le temps puisque les schémas d'advection admettent un pas de temps plus long que le code dynamique.
Les parties turbulentes et convectives sont gérées par un moniteur de la ``physique traceurs" interfacé avec la ``physique". Ici, on utilise en général le même pas de temps d'une demi-heure que pour la physique. C'est au niveau de ce moniteur que l'on branche les codes chimiques comme INCA développé par ().
L'organisation de cet outil est résumée sur la Fig. 2.12.
Ce modèle est destiné avant tout a des études climatiques couplées dans lesquelles les distributions d'espèces chimiques ou d'aérosols rétroagissent sur les variables météorologiques. Cependant, notamment pour le développement et la validation, il est intéressant de disposer de versions ``débranchées" du modèle et de pouvoir forcer la situation météorologique a suivre au plus près les analyses.
Le modèle a donc été conçu de façon à pouvoir débrancher la météorologie. Les interfaces entre les parties météorologiques et traceurs ont été clairement identifiées. En mode ``branché", on passe à chaque pas de temps les flux de masse pour le transport grande échelle ou les coefficients de mélange turbulent pour la partie physique. On peut également stoker ces variables d'interface sur des fichiers (en pratique, on est obligé de les cumuler sur quelques heures) qui peuvent alors être relus pour effectuer à moindre coût des simulations de transport débranchées.
Sous réserve de cumuler proprement les champs et d'effectuer un découpage propre dans les simulations débranchées, on peut utiliser des pas de temps de quelques heures pour le stockage. Ce point a été documenté en détail par ().
Le mode débranché permet de travailler de façon un peu plus souple quand
on s'intéresse à des développements spécifiques à la chimie par exemple,
ou de faire des tests de sensibilité en utilisant les même champs
météorologiques.
Il devient surtout essentiel quand on intègre la dispersion à rebours dans
le temps suivant l'approche détaillée dans le Chapitre .
LMDZT, en mode débranché et guidé par les analyses, s'apparente finalement à un modèle de type ``transport-chimie" (Chemistry Transport Models en anglais). Mais, alors que dans les modèles de transport-chimie la météorologie est en général directement issue des réanalyses, on effectue ici une première simulation météorologique guidée. Cette approche offre l'avantage de pouvoir extraire des paramétrisations physiques du modèle tous les paramètres jugés nécessaires pour le transport des espèces traces.
Remarquons enfin
que cette version débranchée permet éventuellement de calculer le
transport sur une grille plus fine que la grille météorologique.
Cette approche est mise en uvre dans LMDZT en redécoupant
par exemple chaque maille en 4 sous-mailles horizontalement.
On montre ici deux exemples de validation du modèle LMDZT en version guidée. Dans la première application, on s'intéresse à l'isotope 222 du Radon, un radio-élément émis par les surface continentales. Ce traceur a été beaucoup utilisé pour valider et inter-comparer les codes de grande échelle. Le second exemple concerne un cas de dispersion d'une source ponctuelle, dans le cadre de la campagne européenne ETEX. On utilise une grille zoomée pour ce cas.
|
|
L'isotope 222 du Radon (Rn) est un gaz trace radioactif particulièrement
adapté à la validation des modèles de transport aux échelles temporelles
de quelques heures à quelques semaines (, ).
Il est formé à partir de la décomposition radioactive de l'isotope 238 de
l'uranium, présent dans les sols. Les sources océaniques sont de ce fait
de deux à trois ordres de grandeur plus faibles que les sources continentales.
On peut donc voir le
Rn comme un traceur de l'air continental.
Le seul puits significatif du
Rn est sa décomposition en Polonium-218 avec
une période de décroissance de 5,5 jours.
Le Rn a été largement utilisé pour des validations et inter-comparaisons
de modèles de transport en supposant une source uniforme sur les continents.
Ici, on utilise une version un peu plus sophistiquée, développée
par Christophe Genthon (LGGE) et Alexandre Armengaud (, )
dans laquelle le
Rn diffuse vers la surface
à travers une couche de sol poreuse. C'est alors le flux
en bas de cette couche qui est prescrit.
Nous présentons une simulation guidée du Rn pour l'année 2000
avec une résolution horizontale de 2 degrés par 2 degrés.
On compare les valeurs observées et simulées à deux stations d'observation :
l'île d'Amsterdam dans l'océan indien austral (Fig. 2.13)
et Mace Head à l'extrémité occidentale de l'Irlande (Fig. 2.14).
Les deux jeux de données nous ont été aimablement communiqués par
Michel Ramonet et Philippe Ciais (LSCE).
Ces deux stations sont sous forte influence océanique et font donc apparaître des contrastes marqués entre un fond relativement faible et des bouffées de Radon associées à des arrivées d'air continental, soit en situation de vent d'Est sur l'Europe pour Mace Head soit quand la circulation amène sur l'île d'Amsterdam des masses d'air en provenance d'Afrique du Sud.
On voit que le modèle reproduit assez bien à la fois les valeurs faibles dans les périodes sous influence océanique et une bonne partie des pics. Des simulations pour les années 1991 et 1992 (non montrées) ont été comparées aux résultats publiés par (). Cette comparaison montre que le modèle se comporte raisonnablement et qu'une partie des pics non simulés provient d'erreurs sur les champs de vents analysés. Noter que la forte dépendance de la source au contenu en eau des sols est négligée ici. Elle pourrait expliquer les surestimations systématiques observées à Mace Head du 15 mai au 10 juin ou fin septembre.
Nous présentons dans cette section quelques résultats d'un travail effectué par Abderrahmane Idelkadi durant sa thèse (, ) concernant l'évaluation du modèle LMDZT en se basant notamment sur la comparaison à une série de modèles de dispersion ayant participé à la campagne ETEX (, ). La comparaison est faite par rapport à des résultats publiés il y a quelques années de cela et il est donc possible que certains de ces modèles possèdent aujourd'hui des versions plus récentes et plus performantes.
Pour cette évaluation, nous utilisons les résultats de la campagne ETEX (European Tracer EXperiment) organisée en 1994 par l'organisation mondiale de la météorologie, la Commission Européenne et l'Agence Internationale de l'Energie Atomique. Une quantité totale de 340 kg d'un gaz insoluble, le PMCH (Perfluoro-Methyl-Cyclo-Hexane), a été émise le 23 octobre 1994, à partir de 16h00 UTC (T0) et durant 12 heures, à travers une cheminée de 8 m située à Monterfil près de Rennes. Les conditions météorologiques ont été choisies de manière à ce que le traceur soit vu par le plus grand nombre possible des 168 stations d'observation réparties sur l'Europe. L'expérience a duré trois jours et les mesures de concentration du polluant ont été effectuées toute les trois heures à chaque station.
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La Fig. 2.15 montre la grille LMDZ choisie pour la simulation avec un zoom sur l'Europe. On montre aussi en incrustation l'emplacement de 11 stations privilégiées par les organisateurs pour certains diagnostics lors des études d'intercomparaison.
|
La Fig. 2.16 montre les panaches observés et simulés à différents
instants.
On voit que le panache est globalement bien reproduit, à la fois en
répartition spatiale et en intensité.
Pour quantifier cet accord, on utilise l'un des critères statistiques
retenus pour l'intercomparaison des modèles dans le cadre d'ETEX.
Il s'agit du FMT pour Figure of Merit in Time.
Le FMT se définit comme le rapport (traduit en pourcentage)
![]() ![]() |
La Fig. 2.17 montre les FMTs obtenus pour les 11 stations montrées sur la Fig. 2.15. Ces FMTs sont comparés à ceux obtenus avec une trentaine d'autres modèles. Les conclusions des inter-comparaisons ETEX avaient identifié une poignée de modèles qui se plaçaient au dessus du lot. Les performances relatives des différents modèles semblaient d'ailleurs peu liées à leurs caractéristiques, que ce soit au type d'approche (lagrangienne ou eulérienne par exemple) ou aux résolutions spatiales retenues. Il est fort probable d'ailleurs que les meilleurs modèles étaient en grande partie limités par le caractère imparfait des analyses météorologiques. Le modèle LMDZT n'a rien d'exceptionnel mais fait partie de ces bons modèles.
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Les cartes suggèrent que le modèle est un peu trop diffusif. Les panaches à 24 et 48 heures sont en particulier plus étendus que les panaches observés. Des tests de sensibilité à la résolution (Fig. 2.18) indiquent que, quand on raffine la grille d'un facteur 2 dans les deux directions horizontales, on diminue la diffusion horizontale, mais en réduisant plutôt l'accord avec les mesures. A partir d'une maille de quelques dizaines de kilomètres, le modèle semble donc sous-estimer la diffusion horizontale. Ces résultats sont présentés plus en détail par ().
On voit que le code LMDZT peut être utilisé comme un code de dispersion atmosphérique. Mais LMDZT se distingue par de nombreux aspects des codes développés spécifiquement pour les calculs de dispersion.
D'abord, un certain nombre de ces codes sont bâtis sur des trajectoires particulaires ou Lagrangiennes. Cette approche semble relativement intuitive quand on a une source ponctuelle comme celle d'ETEX. Cependant, elle pose le problème que plus la dispersion devient importante, et plus le nombre de particules à injecter est grand si on veut pouvoir prédire les concentrations faibles observées loin des sources. Le traitement du transport turbulent est aussi une difficulté des codes particulaires. Certains font simplement l'impasse. D'autres utilisent des approches de type marche aléatoire. Par exemple, () commencent par estimer la hauteur de la couche limite puis déplacent aléatoirement les particules au sein de cette couche limite. On voit qu'il faut à nouveau ajouter un grand nombre de particule pour obtenir un traitement statistique correct de ce phénomène. Les codes eulériens bénéficient pour leur part des nombreux efforts de recherche développés dans les modèles météorologiques.
Le modèle LMDZT se distingue aussi des modèles de transport-chimie comme on l'a vu, en ce sens qu'il calcule sa propre météorologie. Pour la recherche climatique, les motivations pour cette approche sont claires. Le but ultime est de prendre en compte, de façon interactive, les rétroactions des espèces transportées sur la météorologie. Dans ce cadre, les versions guidées et débranchées du modèle ne sont qu'un mode particulier d'utilisation permettant la validation sur des campagnes d'observation. L'avantage potentiel pour simuler la dispersion dans un contexte de surveillance de l'environnement est plus subtile. Dans les modèles de transport classiques, des phénomènes physiques comme le mélange turbulent dans la couche limite ou le lessivage par les pluies doivent être calculés d'une façon ou d'une autre. Il faut alors essayer de diagnostiquer, à partir de champs météorologiques incomplets (disponibles toutes les 6 heures seulement par exemple), des coefficients de mélange turbulents ou des taux de précipitation dans l'atmosphère. Dans l'approche retenue ici, on effectue une simulation météorologique complète, dans laquelle ces différents aspects sont représentés, tout en guidant la simulation pour qu'elle colle au plus près aux champs de vents de grande échelle issus des analyses. A noter que pour répondre à la même préoccupation, les centres qui produisent les analyses et réanalyses météorologiques se sont mis petit à petit à archiver pour les modèles de transport-chimie des variables internes des paramétrisations comme les coefficients de diffusion turbulente ou les flux de masse convectifs.
Enfin, le modèle LMDZT se distingue des modèles régionaux par l'utilisation
d'une grille globale à maille variable.
Pour des applications où on utilise des observations
réparties uniformément sur le globe, comme dans le cas du TICE exposé
dans le Chapitre , le modèle global s'impose naturellement.
Dans le cas d'évènements relativement localisés, les modèles
à domaine limité présentent un meilleur rapport précision/coût.
Cependant, même pour une source ponctuelle,
le modèle global est intéressant en ce sens
qu'on n'a pas à se poser à l'avance le problème du choix du domaine.
Le zoom est effectué sur le point source. Tant que le panache
est proche de la source, et donc relativement concentré, le calcul
est très précis. Plus on s'éloigne de cette source et moins le calcul est
précis. Mais cette perte de précision a aussi moins d'importance puisque le
panache est de toutes façons beaucoup plus diffus.
Cette remarque s'applique de la même façon pour les rétro-simulations
(cf. Chapitre ).
Si on interprète une mesure à une station, par exemple la mesure
d'une concentration élevée d'un polluant suggérant un accident industriel,
une rétro-simulation à partir de la station avec un zoom aux abords de
cette station permettra de bien décrire l'origine de l'air, à la fois
finement près de la station mais également à l'autre bout du globe.
Il ne sera donc pas nécessaire de faire des hypothèses a priori sur l'origine
de la pollution.
Les développements présentés plus haut et mis en musique dans le modèle LMDZ sont impliqués dans un grand nombre d'études dont les plus importantes sont brièvement décrites ci-dessous.
Au LOA, Olivier Boucher a été à l'origine d'une partie des développements concernant l'introduction de la composante traceurs dans LMDZ (notamment pour ce qui est du transport convectif). Il a depuis introduit dans LMDZ une représentation en ligne du cycle du soufre. Cette version contient 7 traceurs advectés (DMS, 2, H2S, DMSO, MSA, sulfates et 2O2). Les principaux oxydants (OH, 2, 3 et Ø3) sont pour leur part prescrits. Cette version du modèle a notamment été utilisée pour évaluer l'évolution entre l'époque pré-industrielle et l'époque actuelle du forçage radiatif des aérosol soufrés (, ). Une part importante de la problématique concerne l'évaluation de l'effet indirect de ces aérosols (, ) au travers des changements des propriétés microphysiques des nuages : diminution de la taille et augmentation du nombre des gouttes d'eau (premier effet indirect) à cause du nombre accru de noyaux de condensation en cas d'augmentation des aérosols, entraînant également une précipitation moindre et une durée de vie accrue des nuages (second effet indirect). Cette version a été récemment étendue aux autres composantes de l'aérosol et validée par rapport aux résultats de la campagne INDOEX (, ). Cette version avec aérosols a également été utilisée pour prédire la possible rétroaction d'un réchauffement climatique sur les aérosols naturels : notamment sur les sulfates à cause de la modification des DMS marins (, ,) mais aussi pour les sels marins et les aérosols désertiques, dont l'émission est sensible aux vents en surface.
Cette version du modèle avec cycle du soufre a récemment été adaptée aux hautes latitudes par l'équipe de Christophe Genthon au LGGE (, ) en vue notamment de l'interprétation des reconstitutions historiques effectuées à partir des calottes de glace (voir aussi , ).
Plus récemment, Didier Hauglustaine a développé pour LMDZ un module de chimie et aérosols interactifs, INCA. Les développements et études menés avec LMDZ-INCA se sont principalement portés sur une version 4-NOx-Ø3 troposphérique, visant principalement a étudier les gaz à effet de serre autres que le 2. Un très important travail de validation a été réalisé sur cette version dans laquelle une quarantaine d'espèces sont advectées (, ).
Cette version a été utilisée pour évaluer l'impact radiatif d'un changement des émissions de CO et des NOx via la modification de la distribution de l'ozone et des radicaux OH. Le modèle a également été utilisé pour étudier l'impact des émissions liées aux transport aérien sur la composition chimique de l'atmosphère et sur le climat.
Le modèle a également été couplé au module REPROBUS développé par Franck Lefèvre pour la chimie stratosphérique.
La version martienne du modèle LMDZ (, ,) s'est enrichie au fil des années. Les poussières, dont l'impact radiatif est très important même en dehors des grandes tempêtes de poussières globales, ont tout d'abord été incluse. Puis le cycle de l'eau (, ), très important pour essayer de contraindre les réservoirs d'eau actuels et attaquer les questions relatives aux climats passés de Mars. Une composante chimique a également été inclue dans le modèle, tout d'abord pour étendre le modèle jusqu'à la thermosphère dans le cadre du développement d'une base de données atmosphérique martienne pour l'ASE et le CNES (, ), puis, plus récemment avec le développement d'un module de chimie pour la basse atmosphère (0 à 120 km) (, ).
La version traceurs de LMDZ est également utilisée dans deux grands types d'applications qui font l'objet de deux chapitres spécifiques du présent document et ne sont donc que mentionnés ici.
Le modèle est d'abord utilisé en mode rétro-transport (Chapitre ) dans
deux cadres principalement : l'inversion des puits et sources
de 2 et la détection des essais nucléaires.
Le modèle a également été beaucoup utilisé pour l'étude des couplages
entre dynamique atmosphérique, chimie et microphysique des brumes
dans l'atmosphère de Titan (Chapitre ).
A noter qu'une version vénusienne du modèle est actuellement en cours de
développement.
![]() |
Un travail a été effectué récemment par Marie-Angèle Filiberti et Jean-Yves Grandpeix pour introduire la composante traceurs dans le schéma convectif d'Emanuel. D'un point de vue du transport, la différence principale entre le schéma d'Emanuel et celui de Tiedtke est la possibilité pour une parcelle d'air sortant de l'ascendance convective à un certain niveau d'être détraînée dans l'environnement à n'importe quel niveau du modèle. La fermeture (permettant de calculer le flux à la base de la colonne convective en fonction d'autres paramètres du modèle de circulation) est également très différente et la convection pénètre généralement plus haut avec le schéma d'Emanuel. On n'entre pas ici dans les détails de la formulation mais on illustre simplement sur la Fig. 2.19 l'importance de la représentation du transport convectif pour le transport des traceurs.
La figure montre, pour un mois de janvier et en moyenne zonale, la structure
méridienne de la concentration de Rn obtenue
avec le schéma de Tiedtke (en haut), avec celui d'Emanuel (au milieu)
et la différence relative.
Dans la région de convergence intertropicale, localisée principalement
sur l'Afrique, l'Amérique du sud et l'Indonésie à cette saison,
entre 30S et l'équateur, le Radon est détraîné beaucoup plus haut
en altitude avec le schéma d'Emanuel et beaucoup moins dans la troposphère
moyenne.
Aux autres latitudes, l'effet du schéma d'advection est sans doute moins
directe.
Les concentrations de Radon peuvent notamment être affectées par des
variations de la circulation à grande échelle.
On n'entre pas ici dans ces considérations.
Cette grande sensibilité au transport atmosphérique pourrait laisser penser que
les traceurs peuvent fournir une contrainte forte sur la
représentation du transport, et notamment la convection.
Le Rn a d'ailleurs été beaucoup utilisé pour des inter-comparaisons
de modèles globaux (cf. par exemple, , ,).
Malheureusement, même avec les différences très importantes obtenues
ici, les observations de la concentration restent souvent insuffisantes
pour valider réellement les modèles et choisir entre deux paramétrisations.
Des campagnes dédiées, comme la campagne AMMA d'Analyse Multi-échelles
de la Mousson Africaine, avec déploiement d'instruments aéroportés
autour des systèmes convectifs combinant détection passive et active
et mesures météorologiques et chimiques devraient permettre d'avancer
sur ce point.
On peut bien sûr envisager d'utiliser, pour les variables météorologiques
du modèle de circulation générale, les schémas en volumes finis introduits
dans le modèle pour transporter les espèces traces. C'est en fait
déjà le cas pour la vapeur d'eau dont l'advection est maintenant
calculée dans la
version standard du modèle avec le schéma I de Van Leer.
L'advection de l'eau et de la température potentielle étaient
déjà de fait écrites dans la version originale du modèle comme des schémas en volumes
finis, avec un flux calculé simplement comme le produit du flux de masse
par une interpolation linéaire de la quantité transportée à l'interface :
Ce qui est moins direct, c'est de remarquer que la propriété de conservation de l'enstrophie, importante pour la stabilité du modèle et pour la bonne représentation des transferts entre échelles pour les écoulements stratifiés (, ,), découle en fait d'une formulation volumes finis cachée de l'advection de la vorticité. Cette remarque permet d'envisager une réécriture complète du code dynamique, proche de l'esprit actuel, mais dans laquelle on remplacerait les schémas d'advection par des schémas en volumes finis présentant de meilleurs propriétés physiques comme le schéma I de Van Leer ou PPM.
En introduisant
le facteur de Coriolis multiplié par l'aire de la maille,
où
est la vitesse de rotation de la planète,
ainsi que la vorticité potentielle absolue
![]() |
(2.78) |
![]() |
(2.79) |
Les termes d'advection verticale de et
, respectivement
et
, ont été modifiés dans le passé pour
garantir partiellement la conservation du moment cinétique par le modèle
(, ).
Les formulations originales
non conservatives et conservatives de ces termes sont données
dans la Table 2.1.
En fait, Robert Sadourny (communication personnelle)
avait remarqué fort justement que la conservation du moment cinétique
était également garantie si la double moyenne
en sur le terme en
était appliquée plutôt à
, ce
qui conduisait à lisser le champ de vitesse verticale pour l'advection
verticale.
En faisant cette transformation, on peut revenir à la forme originelle avec une
triple moyenne sur les champs de vitesse verticale (formulation 2 dans
la table) ce qui est plus sympathique. En pratique, on peut commencer par
calculer
avant la moyenne.
Cette formulation 2 peut facilement être testée dans le modèle actuel.
|
On réalise en fait facilement que l'astuce principale
du schéma original de Sadourny,
conservatif en enstrophie, a consisté à récrire la partie vorticité
de l'équation du mouvement sous la forme d'un flux de vorticité.
En effet,
avec les notations ci-dessus, la version numérique de l'équation de bilan
de vorticité s'écrit :
![]() |
![]() |
![]() |
(2.82) |
![]() |
![]() |
(2.83) | |
![]() |
![]() |
(2.84) | |
![]() |
![]() |
Pour des écoulements barotropes ( et
), on obtient
une équation de bilan
![]() |
(2.85) |
La figure 2.20 illustre le positionnement des variables dans la formulation actuelle si on les interprète en termes de volumes finis.
Il est donc tentant, de la même façon que pour les traceurs, ou la température potentielle, de remplacer les moyennes arithmétiques par des estimations amont à la Van Leer.
On n'obtiendra plus alors, comme dans l'ancien modèle, une conservation exacte de l'enstrophie. En revanche, en appliquant un schéma positif, monotone, etc ... on empêchera la création d'extrema numérique du champ de vorticité. On obtiendra également automatiquement de la dissipation à l'échelle de la maille en présence d'un extremum de vorticité important.
On peut essayer d'appliquer directement une formulation volumes finis aux équations ci-dessus. Il y a un petit problème pratique : les schémas volumes finis utilisés pour la vorticité et la température potentielle travailleront sur des grilles décalées.
Cependant, on se rend compte qu'en décalant les variables scalaires sur la grille des points de vorticité, on obtient une écriture plus systématique.
Dans la nouvelle configuration, la position des points et
,
des points de vorticité et des flux de masse utilisés pour l'advection est
inchangée.
Mais, les scalaires doivent être advectés, comme la vorticité, avec les flux de masse moyens en
et en
.
Il est en fait plus clair de redéfinir les variables et
comme des
doubles moyennes des flux de masse obtenus à partir de
et
:
![]() |
(2.86) |
![]() |
(2.87) |
L'équation de continuité s'écrit alors formellement comme précédemment
La pression de surface est encore la somme verticale de la masse
La vorticité potentielle absolue devient
![]() |
(2.90) |
Pour l'énergie cinétique,
on a le choix entre la calculer comme avant sur l'ancienne grille scalaire,
![]() |
(2.91) |
![]() |
(2.92) |
Les équations du mouvement prennent finalement la forme suivante:
![]() |
(2.95) |
Pour le terme d'advection verticale, on utilise ici l'équivalent de la
version "conservation 2" puisque les flux de masses horizontaux (et donc
le flux de masse vertical) sont déjà moyennés
dans les deux directions horizontales.
De ce fait,
dans la nouvelle formulation
correspond à
dans l'ancienne.
Il est intéressant de remarquer que le choix original de la forme non
conservative était le choix le plus ``naturel" et que des modifications
avaient dû être introduites après coup pour garantir la conservation du
moment cinétique zonal.
Ici, le choix ``naturel" correspond au choix conservatif.
Une maquette de cette nouvelle formulation a été développée par Phu LeVan sur une grille longitude-latitude. Elle est actuellement en cours de test. Si cette approche s'avère efficace et robuste, elle pourrait donner une excellente base pour développer une dynamique icosaédrique, 2.17vieux rêve rentré de Robert Sadourny, qui hante encore les étagères de certains collègues au laboratoire.
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Computer Based Learning Unit, University of Leeds.
Copyright © 1997, 1998, 1999,
Ross Moore,
Mathematics Department, Macquarie University, Sydney.
The command line arguments were:
latex2html -split 0 ttt
The translation was initiated by HOURDIN Frédéric on 2006-06-14
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